Céline Borello a soutenu sa thèse en 2001 sous la direction
de Gabriel Audisio, qui est d’ailleurs remercié à de nombreuses reprises pour
ses diverses interventions et contributions.
Le jury a accordé la mention honorable et a adressé ses
félicitations.
Est-ce que cela était mérité ? Probablement si on
considère la quantité de travail que tout travail de thèse demande.
Pour autant, la lecture attentive de cette recherche appelle
quelques remarques qui me semblent avoir échappé aux examinateurs. J’ai utilisé,
pour ce faire, l’ouvrage qui en a été tiré, publié en 2004 par Honoré Champion
éditeur (548 p).
La première et la plus importante réserve porte sur le
titre : Les protestants de Provence au XVIIe siècle. Or,
cette Provence se réduit à l’étude de Lourmarin et des Baux (qui avaient déjà
fait l’objet de recherches par Céline Borello dans le cadre de son DEA en 1995),
de La Roque d’Anthéron et un peu de Marseille-Velaux.
Pour le reste de la Provence, très peu de choses sur
Mérindol et la Vallée d’Aigues, rien sur le Nord-Luberon, rien sur Manosque et
les communautés protestantes de Haute-Provence, rien sur Le Luc et la Provence
orientale. Les deux seuls livres de consistoire qui nous sont parvenus (Gordes
et Riez-Roumoules) ne sont pas mentionnés et encore moins étudiés. La Chambre
de l’édit de Grenoble, devant laquelle les protestants de Provence pouvaient
comparaître pour les affaires les concernant, n’est abordée qu’en peu de
lignes, à partir d’un relevé effectué par un archiviste de l’Isère.
L’aire définie par cette thèse est donc plutôt la Basse
Provence occidentale. Pour l’histoire des protestants de Provence, il faudra encore
avoir recours à l’ouvrage majeur et toujours inégalé du pasteur Eugène Arnaud,
même s’il date de 1884 : Histoire des protestants de Provence, du
Comtat Venaissin et de la Principauté d’Orange.
La problématique de cette thèse se résume à « cerner l’évolution
des communautés huguenotes dans leur vie quotidienne, leur religion, leurs
réseaux de parenté, de repérer les critères discriminants d’une appartenance
confessionnelle, et de saisir l’impact de l’édit de Nantes sur les Églises et
les fidèles » (p 20). Mission accomplie, mais dans les limites
géographiques définies plus haut.
J’ai noté quelques désaccords sur des détails. Ainsi, à Lourmarin
que je connais bien, Céline Borello dénombre, « du début de leur tenue à
la Révocation », 4267 actes de baptêmes (p 79), alors que j’en compte 4344
(ce qui fait une différence non négligeable). Quelques coquilles, mais elles
sont difficilement évitables. Quelques erreurs de lecture aussi : Rassy
pour Fassy (p 135), Boyer pour Bouer (p 204), Bonnère pour Bounenc (p 206),
Fallanel pour Fallavel (p 208), sine pour sive (p 209), François de Génas,
seigneur d’Aiguilles en Queyras, alors qu’il s’agit d’Éguilles près d’Aix (p
228), Cariolis pour Coriolis (p 229), Noël Derres pour Noé Derrès (p 261),
Eissanel pour Eyssavel (p 263), Jourdanne pour Jeanne (p 265), Viau pour Vian
(p 265), Pierre Goulin abjure avec son frère Jean, il abjure en fait avec Jean
Chauvin qui n’est pas son frère (p 379), Jean Romanieu abjure avec sa sœur Élisabeth
et son frère Jean, il abjure bien avec sa sœur Élisabeth mais avec sa sœur Marie
et non son frère Jean (p 417), Griet pour Griot (p 445).
De nombreuses pages sont consacrées aux abjurations (merci
pour le travail réalisé auparavant sur ce sujet par Françoise Trotobas-Appy,
qui est citée à de nombreuses reprises). Mais curieusement, le fait d’abjurer
pour se marier n’est pas évoqué, alors que cela arrivait, dans un sens comme
dans l’autre.
Il me faut également remercier Céline Borello de nous avoir
mentionnés, Françoise et moi, à une trentaine de reprises, que ce soit dans le
corps du texte ou dans les notes de bas de page.
Cette thèse compte de multiples citations d’auteurs, pas
toujours en rapport direct avec ce qui se passait en Provence. Mais
reconnaissons l’énorme travail de lecture qui en est à l’origine.
Pour terminer cette recension, je reproduis cet extrait de
la conclusion qui, à mon sens, résume très bien les résultats de cette thèse :
« Sur tout le siècle, il n’y a pas un bilan positif ou
négatif de l’édit de Nantes. Tout au plus, jusqu’en 1630, nous avons une
communauté réformée en reconstruction. Les années 1630-1663 n’indiquent pas de
recul protestant, malgré les crispations avec le parlement aixois. De fait, les
protestants de Provence ne “s’asphyxiaient” pas : leurs réactions face à l’“application
à la rigueur” de l’Édit le montrent. Les “étouffait”-on ? Il est
indéniable qu’en Provence les parlementaires et le clergé ont essayé de le
faire, mais en vain. Pourtant, le seul profit véritable de l’Édit est,
peut-être, à long terme : en permettant aux Églises, et aux fidèles
protestants, de vivre à peu près normalement pendant quelques décennies, l’Édit
leur a donné les assises et les réflexes pour perdurer dans la clandestinité du
XVIIIe siècle. Encore, pour la Provence, il faudrait voir si les
réformés, en 1787, au moment de la promulgation de l’édit dit “de tolérance”, avaient
résisté, comme cela a pu être le cas ailleurs. » (p 455)
Voilà ce qu’il faut retenir…