Affichage des articles dont le libellé est Recension. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Recension. Afficher tous les articles

samedi 25 janvier 2025

Thèse : Les protestants de Provence au XVIIe siècle

 


Céline Borello a soutenu sa thèse en 2001 sous la direction de Gabriel Audisio, qui est d’ailleurs remercié à de nombreuses reprises pour ses diverses interventions et contributions.

Le jury a accordé la mention honorable et a adressé ses félicitations.

Est-ce que cela était mérité ? Probablement si on considère la quantité de travail que tout travail de thèse demande.

Pour autant, la lecture attentive de cette recherche appelle quelques remarques qui me semblent avoir échappé aux examinateurs. J’ai utilisé, pour ce faire, l’ouvrage qui en a été tiré, publié en 2004 par Honoré Champion éditeur (548 p).

La première et la plus importante réserve porte sur le titre : Les protestants de Provence au XVIIe siècle. Or, cette Provence se réduit à l’étude de Lourmarin et des Baux (qui avaient déjà fait l’objet de recherches par Céline Borello dans le cadre de son DEA en 1995), de La Roque d’Anthéron et un peu de Marseille-Velaux.

Pour le reste de la Provence, très peu de choses sur Mérindol et la Vallée d’Aigues, rien sur le Nord-Luberon, rien sur Manosque et les communautés protestantes de Haute-Provence, rien sur Le Luc et la Provence orientale. Les deux seuls livres de consistoire qui nous sont parvenus (Gordes et Riez-Roumoules) ne sont pas mentionnés et encore moins étudiés. La Chambre de l’édit de Grenoble, devant laquelle les protestants de Provence pouvaient comparaître pour les affaires les concernant, n’est abordée qu’en peu de lignes, à partir d’un relevé effectué par un archiviste de l’Isère.

L’aire définie par cette thèse est donc plutôt la Basse Provence occidentale. Pour l’histoire des protestants de Provence, il faudra encore avoir recours à l’ouvrage majeur et toujours inégalé du pasteur Eugène Arnaud, même s’il date de 1884 : Histoire des protestants de Provence, du Comtat Venaissin et de la Principauté d’Orange.

La problématique de cette thèse se résume à « cerner l’évolution des communautés huguenotes dans leur vie quotidienne, leur religion, leurs réseaux de parenté, de repérer les critères discriminants d’une appartenance confessionnelle, et de saisir l’impact de l’édit de Nantes sur les Églises et les fidèles » (p 20). Mission accomplie, mais dans les limites géographiques définies plus haut.

J’ai noté quelques désaccords sur des détails. Ainsi, à Lourmarin que je connais bien, Céline Borello dénombre, « du début de leur tenue à la Révocation », 4267 actes de baptêmes (p 79), alors que j’en compte 4344 (ce qui fait une différence non négligeable). Quelques coquilles, mais elles sont difficilement évitables. Quelques erreurs de lecture aussi : Rassy pour Fassy (p 135), Boyer pour Bouer (p 204), Bonnère pour Bounenc (p 206), Fallanel pour Fallavel (p 208), sine pour sive (p 209), François de Génas, seigneur d’Aiguilles en Queyras, alors qu’il s’agit d’Éguilles près d’Aix (p 228), Cariolis pour Coriolis (p 229), Noël Derres pour Noé Derrès (p 261), Eissanel pour Eyssavel (p 263), Jourdanne pour Jeanne (p 265), Viau pour Vian (p 265), Pierre Goulin abjure avec son frère Jean, il abjure en fait avec Jean Chauvin qui n’est pas son frère (p 379), Jean Romanieu abjure avec sa sœur Élisabeth et son frère Jean, il abjure bien avec sa sœur Élisabeth mais avec sa sœur Marie et non son frère Jean (p 417), Griet pour Griot (p 445).

De nombreuses pages sont consacrées aux abjurations (merci pour le travail réalisé auparavant sur ce sujet par Françoise Trotobas-Appy, qui est citée à de nombreuses reprises). Mais curieusement, le fait d’abjurer pour se marier n’est pas évoqué, alors que cela arrivait, dans un sens comme dans l’autre.

Il me faut également remercier Céline Borello de nous avoir mentionnés, Françoise et moi, à une trentaine de reprises, que ce soit dans le corps du texte ou dans les notes de bas de page.

Cette thèse compte de multiples citations d’auteurs, pas toujours en rapport direct avec ce qui se passait en Provence. Mais reconnaissons l’énorme travail de lecture qui en est à l’origine.

Pour terminer cette recension, je reproduis cet extrait de la conclusion qui, à mon sens, résume très bien les résultats de cette thèse :

« Sur tout le siècle, il n’y a pas un bilan positif ou négatif de l’édit de Nantes. Tout au plus, jusqu’en 1630, nous avons une communauté réformée en reconstruction. Les années 1630-1663 n’indiquent pas de recul protestant, malgré les crispations avec le parlement aixois. De fait, les protestants de Provence ne “s’asphyxiaient” pas : leurs réactions face à l’“application à la rigueur” de l’Édit le montrent. Les “étouffait”-on ? Il est indéniable qu’en Provence les parlementaires et le clergé ont essayé de le faire, mais en vain. Pourtant, le seul profit véritable de l’Édit est, peut-être, à long terme : en permettant aux Églises, et aux fidèles protestants, de vivre à peu près normalement pendant quelques décennies, l’Édit leur a donné les assises et les réflexes pour perdurer dans la clandestinité du XVIIIe siècle. Encore, pour la Provence, il faudrait voir si les réformés, en 1787, au moment de la promulgation de l’édit dit “de tolérance”, avaient résisté, comme cela a pu être le cas ailleurs. » (p 455)

Voilà ce qu’il faut retenir…