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jeudi 28 décembre 2023

Correction de quelques approximations


 

Dans Extirper l’hérésie de Provence (Classiques Garnier, 2023), on trouve aux pages 277-278 le passage suivant :

L’adhésion des vaudois à la Réforme apparaît nettement et concrètement dans le premier registre paroissial de Lourmarin qui contient les baptêmes enregistrés à partir de 1563, tenu par le diacre Jean Franc (AD 84, E Lourmarin). Il s’ouvre par cette sentence désabusée : « Communément et souverainement tant que un homme a de l’argent il est aimé de toutes gens ; puis, quand son argent est fini, on lui dit : Adieu mon ami ». Lourmarin, on le sait, était un village totalement ou presque vaudois. 293 baptêmes sont enregistrés entre 1563 et 1570.

Ayant particulièrement travaillé sur Lourmarin dans le cadre de mon DEA, je note plusieurs approximations surprenantes :

- il s’agit d’abord d’un registre pastoral et non paroissial, puisque tenu par les ministres protestants et non par des curés ;

- c'est le diacre Pierre Gras qui a tenu le registre (et non Jean Franc) ;

- ce premier registre va d’août 1563 à août 1572 (et non 1570) ;

- il compte 377 baptêmes (et non 293), plus un mariage placé dans ce registre par erreur.

Je renvoie au relevé que j’ai effectué, et dont je viens de terminer une mise à jour : https://appy-histoire.fr/wp-content/uploads/2023/12/lourm15631572t.pdf

Cela n’enlève rien à la qualité du livre, mais comme Gabriel Audisio faisait partie du jury de soutenance de mon mémoire de DEA en juin 1994, je m’étonne qu’il n’en ait pas conservé un exemplaire pour s’y reporter utilement. Mon mémoire aurait-il donc fini dans ses poubelles de l’Histoire ?

Pas pour tout le monde puisque les éditions Ampellos ont jugé utile d’en faire cette année une réédition : https://appy-histoire.fr/les-protestants-de-lourmarin-eglise-et-communaute-1560-1685/

Ouf !


samedi 26 novembre 2022

Livre : Un royaume en lambeaux - Une autre histoire des guerres de religion (1555-1598)


 

Si les dernières décennies du XVIe siècle furent incontestablement le théâtre de cruautés et d’exactions innombrables suscitées par l’explosion d’une haine confessionnelle exacerbée, la France des guerres civiles a aussi été la scène de profonds bouleversements qui ont affecté durablement la manière de penser et de vivre la diversité confessionnelle, l’évolution des théories et des pratiques politiques et jusqu’à l’appréhension d’une chrétienté devenue bipolaire au cœur de laquelle les considérations religieuses ont parfois fini par transcender les intérêts purement nationaux. En s’affranchissant d’un récit chronologique traditionnel, ce livre a pour ambition d’éclairer d’un jour différent, au prisme d’une approche thématique, les forces convergentes ou divergentes qui ont structuré ces décennies d’affrontement. En un mitant du XVIe siècle où les sphères politique et religieuse étaient intimement confondues, l’élargissement de la fracture confessionnelle aux strates les plus élevées de la société ne pouvait conduire, à court terme, qu’à la politisation d’une confrontation initialement circonscrite aux débats théologiques. Sans avoir la prétention de tout dire, gageure impossible à relever en quelques chapitres, ce petit livre a pour seule ambition de déplacer le curseur traditionnellement adopté par les historiens afin d’offrir une autre histoire de ces “guerres de religion”.


dimanche 6 novembre 2022

Livre : Les huguenots, une histoire illustrée par Samuel Bastide

 



Des premiers réformés aux premiers exilés, des galériens aux prisonnières de la tour de Constance, parmi lesquelles Marie Durand, en passant par les Camisards et leur chef emblématique Rolland, Samuel Bastide a illustré l’histoire des huguenots en six grands chapitres.
L’artiste a consacré une partie de sa vie à concevoir des conférences-projections pour lesquelles il a produit près de 2500 plaques de verre ! Plus de 200 ont été sélectionnées pour ce livre, hommage à une œuvre de qualité exceptionnelle, fruit de recherches pointues. L’expressivité des silhouettes, la précision des traits, la richesse des dessins ont marqué des générations, comme la voix et le talent de conteur de Samuel Bastide. La force des images et du récit en est d’autant plus saisissante.

mardi 14 juin 2022

Parution : Massacre en Provence - Le Parlement et les vaudois (1540-1545)

 



Gabriel Audisio

Voici le texte de deux registres du parlement d’Aix, consacrés à la répression de l’hérésie en Provence. Le premier est de 1540, année de l’arrêt de Mérindol contre les vaudois du Luberon ; le second de 1545, année de son exécution. Enfin est expliqué ce retard et montré comment l’exécution tourna au massacre.

Classiques Garnier, 314 p., 06.2022

samedi 4 juin 2022

Parution : La fabrique des huguenots (Patrick Cabanel)

 


Le vendredi 3 juin 2022, à 18h30, la librairie Jean Calvin a invité Patrick Cabanel à la médiathèque d’Alès. Il s’agissait pour lui de présenter La fabrique des huguenots, son dernier livre paru aux éditions Labor et Fides.

L’amphithéâtre où s’est tenue cette présentation était pratiquement plein. Nous avons assisté avec beaucoup d’attention à une discussion entre le meneur de jeu et Patrick Cabanel. Ce dernier s’est montré chaleureux avec le public, faisant preuve avec la salle d’un humour très apprécié. Patrick Cabanel est très érudit sur le sujet qui était le sien, répondant clairement aux questions qui lui étaient soumises et ouvrant des perspectives auxquelles on n’aurait pas pensé a priori.

Au total, une prestation qui donne envie de lire son livre.





mardi 24 mai 2022

L'Histoire : La Saint Barthélemy

 

mensuel N°496 daté juin 2022


Il y a 450 ans, le 24 août 1572, jour de la Saint-Barthélemy, un massacre de protestants ensanglante Paris, avant de se répéter dans le royaume.

Il y a peut-être 10 000 morts : c’est l’épisode le plus violent et le plus tristement célèbre des quarante ans de guerres de Religion. Les responsabilités du drame, ses conséquences politiques ou ses ressorts anthropologiques ont été largement étudiés.

Appuyé sur les travaux de Jérémie Foa, ce dossier propose d’aborder, à contre-pied, l’événement « par en bas », au plus près des acteurs anonymes du drame, tueurs, victimes, attentistes, hésitants ou même sauveurs.


Site de L'Histoire

jeudi 17 février 2022

Livre : Alexist Muston - Le Michelet des Alpes

 



Alexis Muston. Le Michelet des Alpes, Patrick Cabanel, Maisons-Laffitte, Éditions Ampelos, 2021, 558 p. 28 €.

 

Tous les inconnus de l'histoire ne méritent pas de l'être. À preuve Alexis Muston (1810-1888), qui en traversant son siècle en a reçu et imprimé des marques de grand intérêt. Ce fils de pasteur a grandi dans le Piémont, dans ces vallées vaudoises où subsistent des paroisses issues du mouvement des « Pauvres de Lyon » et gagnées à la Réforme dès les années 1530. Pasteur lui-même, Muston se prit de passion pour le glorieux passé de sa communauté, au point de devoir s'exiler en France en 1835, exerçant désormais son ministère dans la Drôme.

Après une Histoire des Vaudois (1834), son monumental L'Israël des Alpes (1851) fut salué par Michelet, dont il était proche, comme la résurrection d'un petit peuple persécuté mais indomptable, analogue aux cathares et aux camisards redécouverts par l'historiographie romantique. En rapports étroits avec Hugo, Lamartine, Alexandre Dumas, George Sand, Renan ou Taine, ce poète, médecin, dessinateur, botaniste, physicien, livre, en particulier par son énorme Journal, à la fois une masse d'informations sur les mouvements politiques et culturels traversant les sociétés européennes, et le portrait d'une personnalité attachante.

Source : L’Histoire

mercredi 5 janvier 2022

Livre : Le silence des maquis - Polar généalogique

 


Voilà un livre passionnant et surprenant.

Passionnant pour qui fait de la généalogie protestante et pour qui s’intéresse à l’histoire des familles huguenotes sous l’Ancien Régime. Le sous-titre, Polar généalogique, est d’ailleurs bien trouvé. On suit le travail de Chloé, une jeune archiviste, qui cherche à retracer le parcours de son grand-oncle pour répondre aux questions que se pose sa mamet Jeannette. Dans une postface, les auteurs (Justine Berlière et son père Jean-Marc, elle archiviste et lui historien) expliquent que le récit des aventures vécues par les protagonistes de l’intrigue sont imaginaires, d’où le mot “polar”. En revanche, les dépôts d’archives sont bien réels, comme le sont aussi les personnages qui ont réellement existé. Tel ce Pierre Bénézet que j’ai eu la surprise de découvrir (tout en lisant le livre !) dans la liste des huguenots embarqués pour l’Afrique du Sud, publiée sur le site Huguenots de France.

Le silence des maquis nous conduit des Cévennes (notamment Vézénobres, village voisin de St-Chaptes où j’habite, et ses alentours que je connais bien) à Berlin, en passant par l’Afrique du Sud (Drakenstein). On retrouve, très bien documentée, l’histoire de la Révocation de l’édit de Nantes (octobre 1685), puis les chemins du Refuge par la Suisse, Francfort, le Brandebourg, la Hollande. Tout est parfaitement retracé et raconté : je n’ai pas trouvé une seule erreur dans ce récit qui, de surcroît, a une très grande qualité littéraire. Nul besoin d’être un spécialiste pour se plonger dans ce livre.

Surprenant parce que l’histoire se présente par moment comme un carnet de recherche, avec des blocs-notes, des notes de synthèse, et même des transcriptions de documents. Ces dernières étant fictives, mais on s’y casse le nez tellement elles coïncident parfaitement avec ce qu’on a l’habitude de croiser dans les dépôts d’archives. La progression des investigations menées par Chloé est datée, et on peut suivre presque au jour le jour ses pistes de recherche. Bravo pour cette originalité et le suspens qu’elle induit !

Les auteurs n’ont pas craint, par ailleurs, de s’attaquer à ce qu’il est convenu d’appeler “les heures les plus sombres de notre histoire”. Terrain miné et dangereux pour qui ose s’aventurer hors des sentiers balisés de l’histoire officielle. Surtout par ces temps où le wokisme prétend réécrire l’histoire à l’aune des lubies actuelles, afin d’éliminer (cancel culture) tout ce qui ne convient pas au conformisme ambiant. Une sorte de totalitarisme de la pensée s’est mis en place, et malheur à qui ne s’y soumet pas. Les auteurs, père et fille, n’en ont visiblement cure, et ils osent évoquer le fait que tous les Waffen SS français n’étaient pas forcément des salauds, et tous les résistants n’étaient pas forcément des héros. C’est courageux de leur part !

Pour terminer cette brève recension, je dirai qu’il est tentant en effet de remplir les vides qu’on découvre parfois quand on mène des recherches. Deux exemples :

- Le premier est le cas de ce couple originaire de Cabrières d’Aigues dont on retrouve les étapes pour gagner le Refuge, qui sont inscrits à Rotterdam dans la liste d’embarquement des passagers pour l’Afrique du Sud, qui n’y sont jamais arrivés à tel point qu’on les croyait morts pendant le voyage… et que j’ai retrouvés revenus dans leur village d’origine quelque temps plus tard. Que s’est-il passé ? Pourquoi ont-ils changé d’avis au dernier moment et pourquoi se sont-ils décidés à revenir en Provence ?

- Le second est l’exemple d’un de mes grands-oncles qui refusa d’abjurer comme le reste de la famille en octobre 1685, et qui partit au Refuge avec femme et enfant, pour s’installer à Friedrichsdorf, dans la Hesse, où il fit souche. J’avais découvert ce périple il y a fort longtemps. Mais en épluchant il y a peu la base de données du Refuge huguenot, j’ai découvert que son frère (mon aïeul) l’avait accompagné jusqu’à Genève et était ensuite revenu à Roussillon pour retrouver le reste de la famille resté au pays. Quelles ont été les raisons qui l’ont conduit à prendre cette décision d’escorter son jeune frère ? Est-ce que le contact avec lui a été définitivement rompu à Genève ?

On aimerait faire des suppositions et imaginer ce qui se serait passé. Mais cela conduirait à écrire un roman, comme l’ont fait nos talentueux auteurs…


lundi 13 décembre 2021

Livre : Le printemps des maudits (Jean Contrucci)

 


Je me méfie des romans historiques qui portent sur l’histoire des vaudois. J’en ai lu beaucoup de très mauvais, ayant une qualité littéraire limitée et une intrigue contestable. Aussi, j’ai commencé la lecture du livre de Jean Contrucci, Le printemps des maudits, avec une légère réticence.

Mais je dois dire qu’au-delà de l’intrigue romanesque – qui ne m’intéresse pas dans ce commentaire –, la trame historique est bien respectée parce que bien renseignée. Jean Contrucci s’est en effet appuyé sur les publications faites par Gabriel Audisio relatives à la semaine sanglante de l’exécution de l’Arrêt de Mérindol, notamment Procès-verbal d’un massacre (Édisud, 1992) et Histoire de l’exécution de Cabrières et Mérindol et d’autres lieux de Provence (AEVHL, 1982, réédition Les Éditions de Paris – Max Chaleil, 1995). Il mentionne aussi le livre de Maurice Pezet, L’épopée des vaudois (Seghers, 1976), qui m’avait accompagné durant tout l’été 1976 et qui m’avait initié à l’histoire des vaudois.

Dans Le printemps des maudits, la chronologie des événements est précise, les acteurs bien identifiés, la progression des exactions bien respectée. Jean Contrucci a de surcroît la délicatesse de ne pas s’étendre sur la description des abominations commises par la soldatesque. Il indique en revanche les résultats désastreux de cette “croisade” :

« Le comptage sur le terrain fait état de 9 villages entièrement détruits, dont on a fait table rase, 18 pillés de fond en comble, 763 maisons ruinées et on estime à près de 3000 le nombre de morts, si l’on prend en compte ceux de Cabrières. » (p 332) 

Tout cela pour un Arrêt qui ne concernait initialement que 19 individus…

Voyons plus précisément ce que Jean Contrucci écrit à propos de Lacoste, où vivait à cette époque la famille de mon aïeul direct Estienne Appy :

« Dans l’après-midi même du jour du sac de Cabrières, Baudoin, un de ses capitaines [de Maynier d’Oppède], en compagnie de Labbé, qui sert chez le sieur de Loubières, s’attaquaient de son propre chef au village de La Coste, au prétexte qu’on leur aurait rapporté que s’y trouvaient des luthériens réfugiés. Or, La Coste n’est en rien concerné par l’édit de Mérindol (…). Les habitants, effrayés de voir ces troupes déferler sur leur village perché, en avaient fermé les portes dans le dos de leur jeune seigneur, François de Simiane sorti parlementer pour qu’on épargne son fief. Cette porte claquée au nez des assaillants valut aux villageois un assaut en règle et semblables pillages et tueries qu’en la malheureuse Cabrières. On y a vu des mères disputant leurs filles aux violeurs, leur jeter des couteaux, aux fins de se percer le sein plutôt que subir un déshonneur. Si le carnage commencé s’est bientôt tari, c’est grâce à l’arrivée sur place des trois commissaires de l’exécution, prévenus qu’il se passait à La Coste des choses inadmissibles. » (pp 288-289)

Les soldats de Provence arrivèrent en effet à Lacoste le mardi 21 avril 1545. Voici, fait par Jacques Aubéry, le récit des exactions commises le lendemain, après que les portes de la place furent ouvertes à la demande de Maynier d’Oppède :

« On ouvre la porte. Incontinent, cette troupe de gendarmes s’épand par la ville, fait des maux infinis, met le feu par les maisons et aux étables du château, pille et emmène les chevaux du seigneur, des femmes et des filles sont prises et emmenées dans un verger et dans une garenne derrière le château, forcées, pillées et rançonnées, leurs bourses coupées ; les mères tenaient leurs filles que les soldats arrachaient de leurs mains pour les violer ; les filles criaient et priaient les soldats de les tuer plutôt que de les déshonorer ; la mère baillait le couteau à sa fille pour se tuer et pour mourir chaste plutôt que de vivre souillée. Ils prirent une jeune femme pour la forcer tenant son enfant dans les bras et jetèrent l’enfant dans la garenne. Un témoin dit une chose horrible : qu’une femme pour ne pas être violée se jeta du haut en bas de la muraille de la ville et demeura en bas jusques au soir comme morte ; ces soldats vont la trouver et la connaissent charnellement demi-morte. Un autre dit qu’ils forcèrent des filles fort jeunes, voire de l’âge de 8 à 9 ans, et qu’ils mirent le feu à une grange du sieur de La Coste dont furent brûlées deux femmes. Deux autres femmes, d’horreur de voir ainsi traiter leurs filles, se pendirent pour s’étrangler, ce que Dieu ne permit pas parce que les cordes rompirent. »

À la lecture de ces témoignages, on est saisi d’horreur. Il est donc miraculeux que mon ancêtre et sa famille aient échappé à ce carnage. Sa descendance – qui porte toujours son nom – est heureusement encore là pour en témoigner…

En conclusion, Jean Contrucci a fait un travail de recherche sérieux et son livre Le printemps des maudits est à lire pour qui veut en savoir davantage, sans pour autant se référer aux documents d’époque écrits dans une langue parfois peu accessible aux néophytes.