Voilà un acte de baptême surprenant datant de 1703, à Mérindol. Le vicaire le termine par cette mention qui indique que le père « n’a pas assisté audit baptême pour ne faire, luy et ladite Marcelle [la mère], profession de la religion catholique apostolique et romaine ». En cette période où la répression s’abat sur les huguenots qui n’ont plus aucun droit depuis la Révocation de l’édit de Nantes survenue 18 ans plus tôt, cette mention au ton particulièrement neutre surprend. Peut-être parce que Mérindol était “la Genève provençale” et que l’ecclésiastique ne voulait pas offusquer ses nouveaux fidèles qui constituait la très grande majorité de son troupeau. D’autant plus que l’année précédente avait éclaté la guerre des Camisards dans les Cévennes toutes proches.
On observe à Mérindol une forme de tolérance totalement inattendue, surtout par rapport à ce qui se fait dans les villages voisins, notamment à Lourmarin, à la même époque (les 20 années suivant la Révocation) :
- un retard systématique dans les baptêmes des enfants des “nouveaux convertis”, qui se célèbrent plusieurs jours après la naissance ;
- le non-respect de l’obligation d’avoir au moins un ancien catholique (ou mieux encore les deux) comme parrain/marraine ;
- l’absence du père du baptisé, notée à plusieurs reprises, notamment pour le couple Roumane-Marcel dont il était question plus haut ;
- l’absence de l’utilisation par le vicaire de l’expression “nouveau converti” ;
- une seule mention d’un “obstiné” qui n’a pas voulu se confesser avant de mourir (en 1698).
Peut-être les autorités ecclésiastiques ne voulaient pas provoquer inutilement les habitants de Mérindol, village vaudois puis protestant depuis toujours (cf le massacre de Cabrières et Mérindol de 1545) ? Mais à Lourmarin, situé à quelques kilomètres seulement, il en allait tout autrement et la mise au pas des “opiniâtres” se faisait beaucoup plus durement…