Dans
les années 1980, j’avais trouvé dans une bibliothèque un livre écrit par un
certain F. Appy, à Nice. Ce livre parlait de chemins de fer. Depuis toutes ces
années, je me suis toujours demandé qui était ce F. Appy dont le prénom se
résumait à une initiale. Ce n’est que dernièrement que j’ai pu résoudre cette
énigme en transcrivant l’acte de naissance de Félix Appy, né à Lacoste le 18
décembre 1846. Il était le fils de Daniel Appy et de Jeanne Anaïs Malan. Grâce
à Geneanet, j’ai appris que Félix s’était marié à Montélimar le 15 mars 1879
avec Berthe Arnaud. Le couple ayant eu quatre enfants, dont une seule fille
parvint à l’âge adulte : Berthe Appy, qui épousa Émile Géminard à Florac
en 1912. Félix Appy s’installa à Nice dès la fin des années 1870. Il se rendit
acquéreur de la célèbre librairie Visconti. Il était libraire, publiciste et, à
ce titre, collabora à plusieurs journaux et en dirigea même quelques-uns. Il
publia plusieurs livres sur les chemins de fer et sur les problèmes
démographiques. Sa femme mourut à Nice (rue Jeanne d’Arc, à la villa André) en
1915. Mais je n’ai pas pu trouver la date du décès de Félix Appy, son mari
devenu veuf.
Poursuivant
ma recherche sur Internet, je découvris une notice (dithyrambique) le
concernant dans le Dictionnaire
biographique international des écrivains, de Henry Carnoy, paru au début du XXe
siècle. Je la reproduis ci-dessous.
APPY
(Félix), né à Lacoste (Vaucluse), le 18 décembre 1847, directeur-propriétaire de
l’établissement littéraire et de beaux-arts Visconti, fondé en 1839 à Nice ;
écrivain, philosophe et économiste français.
Adresse
: 62, rue Gioffredo, à Nice (Alpes- Maritimes).
M.
F. Appy, le grand libraire de Nice, n'est pas qu'un industriel dont le succès a
couronné les gigantesques efforts, c'est aussi un économiste, un écrivain de
valeur, et un sincère patriote. Il s'est attaqué avec une vive ardeur aux
grands problèmes qui, à juste titre, préoccupent actuellement tous les
penseurs.
Sa
carrière mérite plus qu'une simple citation, dût la modestie de M. F. Appy en
souffrir. Et nous ne regretterons que de ne pouvoir donner une étude plus
complète sur une œuvre d'ensemble qui ne tend à rien moins qu'à assurer à notre
patrie, dans le présent et dans l'avenir, la place prépondérante qui lui
appartient depuis des siècles à la tête de la civilisation.
M.
F. Appy est, à proprement parler, le fils de œuvres. Son instruction, son
érudition, son savoir encyclopédique, il ne les doit qu'à lui-même, qu'à ses
études, ses méditations, ses lectures. C’est ainsi que se forma l'un des hommes
les plus éminents du XVIIIe siècle, Jean-Jacques Rousseau.
Il
connaît la vie, comme l'a fait remarquer un excellent écrivain, M. Philippe
Casimir, il connaît les hommes par cette instruction théorique et pratique que
donne une carrière longue déjà, toujours active, où l'initiative s'est exercée
dans des directions diverses, mais sans interruption.
Admissible
à l'École centrale des Arts et Manufactures, sans être nommé élève, en 1866, M.
F. Appy entra dans les Ponts et Chaussées, où il subit avec un beau succès, en
1869, ses examens de conducteur.
Bientôt,
après des services importants lui furent confiés par cette administration. En
1875, au premier examen qu'il y eut pour les officiers de l'armée territoriale,
il fut nommé lieutenant. Ses goûts pour l'étude, l'observation et le travail
lui valurent l'estime des populations avec lesquelles son devoir le mettait en
contact, et la considération de ses chefs des Ponts et Chaussées. On sait
combien ce corps d'élite exige de facultés qu'il affine par un exercice
continu.
Il
serait certainement à l'heure présente quelque grave personnage, quelque
ingénieur réputé, si les événements politiques n'étaient venus donner une autre
tournure à ses idées. Le 16 mai 1877 survint . Les plus hautes administrations
subirent le contre coup de l'action politique. M. F. Appy était le plus jeune
conducteur des Ponts et Chaussées des Bouches-du-Rhône ; il fut balloté pour
sauver des confrères. Cela lui fit comprendre qu'un homme d'initiative ne
pouvait s'accommoder du fonctionnarisme ; il reprit sa liberté.
«
Dès le début, dit M. Casimir, il se plaça à la tête d'affaires importantes qui exigeaient,
pour réussir d'une manière durable, les qualités constantes d'où résultent la
confiance et le crédit ; une intelligence claire, toujours maîtresse
d'elle-même, d'où découlent les heureuses solutions des problèmes qui se
posent sans cesse devant le commerçant.
«
Le travail qu'entreprit M. F. Appv était symptomatique et caractéristique.
Obéissant simplement à sa passion pour tout ce qui touche à l'étude, pour tout
ce qui sert au développement de l'intelligence, il prit la concession des
kiosques de Nice, il se fit le correspondant de tous les journaux de Paris, et,
pour la première fois, un Français eut la haute main sur la distribution de la
nourriture intellectuelle des Niçois et de la colonie étrangère qui fréquente Nice.
Cette passion pour les matières d'instruction lui est si naturelle qu'il devait
acquérir plus tard l'Établissement Visconti, la célèbre librairie Visconti , ce centre littéraire du
littoral méditerranéen, dont il a fait une maison de premier ordre, et où
naquit, pour ainsi dire, la renommée de la Côte d’Azur, car c'était là le lieu
de réunion des Alphonse Karr, Emmanuel Gonzalès, Xavier Eyma, Mme de
Ratazzi, Sardou
et de tant d'autres qui furent les premiers apologistes écoutés des beautés de
ce littoral.
« M.
Appy ne se contenta pas de vendre des journaux. Il en créa ; il en dirigea ; il
collabora à plusieurs, et nous citerons le Nouvelliste, l’Impartial
de Nice, etc., où il émit nombre d'idées originales dont quelques-unes,
reprises depuis, ont fait ou sont en train de faire fortune. D'autres faits
importants sont à son actif au point de vue patriotique pendant la période
critique de 1887-1888 (incidents allemands et italiens). Une création géniale
de M. Appy fut le Railway, horaire synoptique des chemins de fer, qui
est le dernier mot du progrès dans ce genre. Le maniement des chiffres, avec
lequel il était si familier, lui avait permis d'étudier à fond les questions
les plus importantes se rattachant à nos moyens de transport, étude que son
esprit, sans cesse en éveil, a étendue jusqu'aux plus hautes parties de
l'économie politique ».
Le
Railway horaire synoptique des Chemins de fer français, italiens,
Saint-Gothard, Espagne etc., a été honoré d'une médaille de vermeil
(exposition industrielle d'Avignon, 1891), d'une médaille de bronze (exposition
internationale de publicité, Paris, 1891), d'une médaille d'or de l'Académie
nationale (Paris, 1895) et d'un grand diplôme d'honneur à l'exposition
de Bruxelles (1897), confirmée par le jury de l'Exposition universelle de Paris
en 1900.
Ces
récompenses étaient méritées à tous égards. Dans le Railway, les
itinéraires sont établis d'après les principes suivants :
1°
Rendre les relations très faciles en reliant les correspondances.
2°
Montrer d'un seul coup-d'œil les heures de départ et d'arrivée des trains pour
les grands voyages aussi bien que pour les petits parcours ;
3°
Multiplier les indications relatives aux grandes villes et aux grandes lignes,
sans négliger les embranchements ni les petites localités ;
4°
Raccorder les marches des trains de grandes lignes à celles des embranchements.
Par
toutes ces dispositions, le Railway est le guide le plus clair et le
plus facile à consulter.
Une
disposition nouvelle attire l'attention. On sait combien notre système de
décompte du temps — de minuit à midi, et de midi à minuit — est embarrassant.
M. Appy a eu l'ingénieuse idée de marquer les heures de nuit (de six heures du
soir à cinq heures du matin) par des chiffres à lanterne. Avec sa méthode, on
n'a plus de recherches à faire, on n'a qu'à te laisser guider d'une station à
l'autre, depuis la gare de départ jusqu'à celle d'arrivée.
D'autre
part, M. Appy est l'inventeur du Block-System automatique, pour assurer
la sécurité des trains en marche, système qui, de l'avis de toutes les
notabilités compétentes, mérite sérieuse considération.
Il
a développé également dans de magnifiques proportions la librairie de la Bibliothèque
circulante de l'Établissement littéraire et de beaux-arts Visconti qui
actuellement, ne compte pas moins de 60 000 volumes français et étrangers.
«
Tout en explorant ainsi le domaine pratique des affaires, tout en fournissant
à une ville comme Nice, l'aliment intellectuel des journaux et des livres, M.
F. Appy étudiait, observait, réfléchissait. Il élargissait son champ
d'expériences par le double examen de la vie agissante et des synthèses que
nous en donnent les écrits des bons auteurs. Merveilleusement servi par un
esprit curieux, ouvert, vibrant à toutes les impressions, il a voulu se rendre
compte des virtualités humaines : il a exploré les terrains en friche de nos
connaissances générales, et ces recherches, poursuivies pendant vingt ans, ont
abouti à des œuvres de profonde sociologie qui ont eu l'approbation de maîtres
comme Camille Flammarion, de Nadaillac, Ch. Richet , etc., des ministres et
même du chef de l'État. M. Appy a son livre d'or.
«
Il y a des mots déterminants », dit Pascal. La première des œuvres de M. Appy a
pour titre : Trois milliards de Français, ou la solution des questions
politique, sociale, philanthropique et de population (un vol. In-8° ;
Paris, Giard et Brière, 1897). L'auteur prend en main la cause de la
repopulation de la France et de ses colonies, et, après des chapitres consacrés
à la Nature de l'Homme, à son Principe et à sa Foi, à ses progrès sur la terre,
arrive au Régime actuel et à ses défauts, à la Constitution définitive, aux
pouvoirs publics, au programme de gouvernement, aux progrès des choses, et à la
possibilité et à la nécessité de l'augmentation de la population française.
Cette œuvre est tout autant de philosophie que d'érudition, de raisonnement que
de ferme logique. M. F. Appy est un croyant, mais il sait se faire lire par
tous les gens de bonne foi, qu'ils soient matérialistes, spiritualistes,
religieux. Les idées nouvelles, originales, abondent dans cet ouvrage.
«
C'est une œuvre, en effet, que ce livre dans lequel M. Appy prouve, suivant
l'expression de Hœffer, que “l'homme par la pensée, est un être à part, pouvant
frapper à la porte de l'inconnu”. Œuvre de bonne foi, méritant d'être lue et
méditée, dont les idées neuves peuvent étonner d'abord, ainsi que certaines
symphonies, mais qui se saisissent, malgré tout, des esprits aptes à réfléchir,
et qui laisse finalement l'impression d'une œuvre de haute cérébralité, pleine
d'un suc nourrissant qui, nous n'en doutons pas, sera fécond. » M. Appy veut
le gouvernement de tous par tous et pour tous, un pacte social par génération,
une part de bien-être pour chaque individu, et un ministère d'Assistance
publique et d'Économie sociale.
Dans
deux autres ouvrages, comme dans plusieurs brochures, M. F. Appy est revenu à
son but de relèvement moral et patriotique.
C'est
d'abord dans : Pour la France, moyens de faire connaître sa volonté par le
suffrage universel organisé. Le système nous semble pratique et mériterait
l'attention des pouvoirs publics. M. Appy y préconise la justification matérielle et l'obligation
morale du vote, plural comme en Belgique, attribué non à la fortune, mais à
l'expérience de la vie. Entre temps, il fait une critique des plus justes des
idées exposées récemment par MM. Benoist et de Marcère .
Dans
la même série, il a donné (1899) un beau volume sur La Repopulation et le
Relèvement que nous signalons aux deux Chambres. Nous avons lu le livre
avec toute l'attention qu’il mérite. C'est l'œuvre d'un philosophe, d'un
économiste, d'un bon Français. Et nous souhaitons qu'il se trouve bientôt entre
les mains de toutes les femmes de France.
M.
Appy termine en ce moment un autre grand ouvrage avant pour titre : Le
Sixième jour de la Création, ou la Vie de l'Humanité sur la terre. Là, il
démontre Dieu par l'arithmétique. Il prouve que l'homme est une trinité comme
le créateur de toutes choses ; et qu'il y a des lois antérieures et supérieures
qui mènent l'humanité. Il veut que les lois positives s'harmonisent avec les
lois supérieures, que les peuples travaillent concurremment avec les forces de
la nature, que les Français se familiarisent avec ces grands courants imprimés
à notre planète. Il montre le berceau du genre humain sur la terre, la
monogénie, la date à laquelle remontent les origines de l'humanité (huit à dix
mille ans avant nous), les progrès de la population et sa loi d'accroissement
; la date à laquelle la terre sera pleine avec 60 milliards d'habitants, dans
sept à huit mille ans. C’est pour cela qu'il exige une organisation politique,
sociale, philanthropique, permettant d'atteindre ce résultat en maintenant la
France constamment à la tête de la civilisation et du progrès. Et c'est parce
qu'il est persuadé, parce qu'il est plein de foi dans l'avenir qu'il se résume
en disant :
«
France, redresse-toi, voici ta méridienne : elle t'annonce :
«
8 000 ans de vie progressive.
«
600 millions d'hectares de territoire colonial ou continental.
«
3 milliards de Français, et une existence aussi longue que celle de l'humanité.
»
Ne
serait-ce que par l'auteur de ces ouvrages, on le voit, la fille de la vieille
Gaule porte son idéal ; — elle l'accomplira.