Les registres d'état civil contiennent parfois la relation d'actes particulièrement affreux, tel ce triple meurtre commis le 10 avril 1800 au quartier des Plaines à Lacoste. En ont été victimes Jean Perrotet, sa femme et sa fille, dont je connaissais le passé protestant avant la Révolution.
Ce jourd’hui, 20 germinal an VIIIe
de la République française [10 avril 1800], à 10 heures du matin.
Par-devant
moi, Jacques Grégoire, adjoint municipal de cette commune de Lacoste,
remplissant les fonctions d’officier civil en l’absence du citoyen Daniel
Malan, est comparu le citoyen Pierre Théophile Sambuc, juge de paix de ce
canton, officier de police judiciaire, domicilié en cette commune de Lacoste.
Lequel,
assisté des citoyens Thomas Delaye, âgé de 28 ans, et d’Esprit Grégoire, âgé de
45 ans, a déclaré à moi dit, Jacques Grégoire, qu’ayant été instruit que trois
personnes ont été tuées ce matin dans le terroir de la commune de Lacoste, à
environ 100 pas de distance de celui de la commune de Ménerbes, il s’était
transporté sur le lieu, et y avait rédigé le procès-verbal dont la teneur suit :
Extrait des actes de la justice
de paix du canton de Bonnieux.
L’an VIII de la République
française, et le 20 germinal, nous Pierre Théophile Sambuc, juge de paix,
officier de police judiciaire du canton de Bonnieux, informé par la clameur
publique que trois personnes ont été tuées ce matin dans le terroir de la
commune de Lacoste, quartier des Plaines, et que leurs cadavres sont encore
étendus sur les lieux, nous y sommes transporté de suite, en compagnie des
citoyens Antoine Joseph Delaye, greffier de la justice de paix, et Elzéar
Joseph Lapeyre, officier de santé de la commune de Bonnieux, que nous avons
commis à l’effet de visiter lesdits cadavres et rapporter sur les causes de
leur mort, et d’un détachement de la Garde nationale de quatre hommes de cette
commune de Lacoste, où étant arrivés, avons trouvé couché par terre le cadavre
d’un homme et celui de deux femmes. Et s’étant trouvé sur les lieux, Jean
Mallan, cultivateur, de la commune de Lacoste, dit de la Vaumasque, et Marie
Bourgue, sa femme, leur avons demandé s’ils reconnaissent lesdits cadavres. À quoi,
ils ont répondu les reconnaître et que ce sont les cadavres de Jean Perrottet,
dit “Racoty”, de sa femme et de sa fille, domiciliés en la commune du Puget,
canton de Cadenet, et se sont dits illitérés, de ce enquis.
Et
de suite, avons requis le citoyen Lapeyre, officier de santé susdit, de
procéder à la visite desdits cadavres, et de rapporter sur la cause de leur
mort. À quoi ledit Lapeyre, ayant procédé incontinent, a rapporté que ledit
Jean Perrottet, dit “Racoty”, a été tué d’un coup d’arme à feu qui lui a
emporté toute la partie latérale gauche du crâne, d’où la substance entière du
cerveau et du cervelet est sortie et épandue par terre. Et ayant ensuite visité
le cadavre qui nous a été désigné pour être celui de la femme dudit Jean
Perrottet, ledit Lapeyre nous a rapporté qu’elle a été tuée aussi d’un coup d’arme
à feu qui a porté au-dessous de la mamelle gauche et qui a traversé tout le
corps, la balle étant sortie par la région lombaire droite. Et ensuite, ayant
visité le cadavre qui nous a été désigné pour être celui de la fille dudit Jean
Perrottet, ledit Lapeyre nous a rapporté qu’elle a été tuée par deux coups d’arme
à feu, dont l’un annonce que la balle est entrée dans la poitrine par la partie
supérieure gauche, environ trois travers de doigt au-dessus du cartilage
xyphoïde, et après avoir traversé la poitrine est sortie par la partie
postérieure droite de la poitrine, environ deux travers de doigt à côté des
vertèbres dorsales ; et qu’à l’autre coup, la balle est entrée sous l’aisselle
gauche, à sa partie antérieure, et est sortie derrière l’épaule après avoir
brisé l’omoplate. Lequel rapport, ledit Lapeyre a dit être fait selon son âme
et conscience, et les connaissances qu’il a en l’art de chirurgie, et a signé
Lapeyre, officier de santé. Ainsi à l’original.
Et s’étant trouvé sur les lieux
les citoyens Joseph Porte, cultivateur, de la commune de Ménerbes, domicilié au
quartier des Jassines, à environ 250 mètres de distance du lieu où a été commis
l’assassinat desdites trois personnes ci-dessus désignées, François Aubert,
cultivateur, de la commune de Ménerbes, et Françoise Bonnet, son épouse,
domiciliés à environ 500 mètres de distance dudit lieu, les avons requis de
nous déclarer s’ils ont connaissance de la manière et par qui ce délit a été
commis. À quoi, ils ont incontinent procédé, et de suite, avant désemparer,
avons ordonné que les trois cadavres seront inhumés dans les vingt-quatre
heures au plus tard.
Sambuc, juge de paix, Delaye,
greffier. Ainsi à l’original, pour expédition conforme.
Collationné à Lacoste le 20 germinal
an VIII de la République française.
Signé : Sambuc, juge de
paix, et Delaye, greffier, ainsi à l’original.
Nous, juge de paix,
officier de police judiciaire susdit et soussigné, n’ayant pu nous procurer sur
les lieux la connaissance des noms et prénoms et véritable domicile des
personnes qui ont été trouvées mortes dans le terroir de Lacoste, quartier des
Plaines, avons découvert par les renseignements que nous avons acquis qu’elles
se nommaient Jean Perrottet, âgé d’environ 55 ans, Marie Pelenc, âgée d’environ
53 ans, femme dudit Jean Perrottet, leur fille, âgée d’environ 28 ans, veuve de
Barthélemi Doucende, domiciliée à Mérindol.
Signé Sambuc.
D’après la lecture
de ce procès-verbal, que lesdits Thomas Delaye et Esprit Grégoire ont déclaré
être conforme à la vérité, je me suis transporté au lieu où lesdits Jean
Perrottet, Marie Pelenc et Susanne Perrottet ont été trouvés morts. Et après m’être
assuré de leur décès, j’ai dressé le présent acte, que les citoyens Pierre
Théophile Sambuc, juge de paix et officier de police, et Thomas Delaye ont
signé avec moi ; ce que ledit Esprit Grégoire a déclaré ne savoir faire,
de ce enquis.
Fait à
Lacoste, en la maison commune, les jour, mois et an que dessus.
Delaye Sambuc, juge de paix et off. de pce
judre
J.Grégoire, adjt